Passion
07/10/2024
Elles prennent les rênes et elles maîtrisent
Caroline et Éléonore BLANQUART
Si vous passez par Beaucamps-Ligny dans le Nord, peut-être aurez-vous la chance de croiser la route de Caroline et Éléonore BLANQUART. Ces deux soeurs partagent la passion de leur père, Benoît, pour l’agriculture, l’une au sein de sa pension équestre, l’autre autour de la polyculture et de l’élevage bovin.
Présentez-vous toutes les deux.
Caroline : je suis Caroline, j’ai 32 ans. J’ai suivi des études de commerce avec l’idée de reprendre les écuries. Ensuite, j’ai bossé dans différentes entreprises avant d’arriver sur l’exploitation. Après deux ans de salariat et l’obtention de diplômes agricoles, je les ai repris en gérance.
Éléonore : moi c’est Éléonore, j’ai 24 ans. Depuis que je suis petite, j’ai toujours dit que je voulais travailler sur la ferme. J’ai donc suivi des études agricoles. Aujourd’hui, cela fait un peu plus de trois ans que je suis salariée sur l’exploitation.
Benoît, vous avez 67 ans. Vous pensez prendre votre retraite un jour ?
Benoît : oui, je la prendrai. Mais je reste quand même un passionné, j’aime savoir ce qui se passe chez nous.
Mesdames, est-ce que votre maman participe à la vie de la ferme ?
Éléonore : bien sûr ! C’est une affaire de famille. Elle a passé les formations agricoles et s’occupe notamment de tout l’aspect administratif, ce qui est très lourd. Avec mon père, ils sont tous les deux chefs d’exploitation.
Qu’est-ce que cela fait de travailler en famille ?
Caroline : c’est sympa parce qu’on se voit au quotidien. On s’entraide, on propose de nouvelles façons de travailler, ce qui occasionne des discussions mouvementées avec mon père.
Benoît : c’est bien agréable, elles sont compétentes et courageuses. Je suis même admiratif.
Vous gérez chaque partie indépendamment ? Les démarches ont-elles été simples ?
Caroline : ce sont deux entités indépendantes, même si paille, foin et matériels sont mutualisés. Les démarches sont d’une complexité incroyable. Sans accompagnement, je n’imagine pas comment il est possible de s’en sortir.
Caroline, ‘‘ food, friends and freedom ’’
Pourquoi avoir choisi la partie équestre ?
Caroline : dans mes expériences précédentes, j’avais déjà comme envie de reprendre les é c u r i e s . J’ai travaillé en tant que commerciale pour des marques liées à l’équitation afin d’avoir ce contact client et la connaissance des produits.
Comment fonctionne votre pension pour chevaux ?
Caroline : nous accueillons 50 chevaux auxquels on offre le gîte et le couvert. Les propriétaires sont chargés de venir monter leurs chevaux dans le paddock ou en balade. Je propose un peu de travail du cheval et je donne également des cours aux propriétaires.
Je suppose que les propriétaires n’ont pas accès tout le temps aux installations ?
Caroline : ils y ont accès de 8 h 30 à 21 h 30, tous les jours. L’aspect humain est hyper important. Il faut toujours être au courant de tout, être aux petits soins. C’est la partie la plus compliquée du boulot, psychologiquement parlant. En cas de question ou d’urgence, je reste toujours joignable. Les chevaux sortent par groupe ?
Caroline : oui, on les regroupe par affinités. C’est pour cette raison que ça me tient très à coeur d’être encore sur le terrain.
Comment les nourrissez-vous ?
Caroline : les chevaux se nourrissent beaucoup au foin en hiver, d’herbe en été, et après c’est de l’aliment concentré. Et de plus en plus d’aliments fibrés.
Certains chevaux vous appartiennent-ils ?
Caroline : oui, deux nous appartiennent, dont une jument de compétition. Pour donner des cours, il faut avoir une vitrine. C’est aussi pourquoi je continue à me former.
Existe-t-il des aides pour vous remplacer en cas de grossesse, de maladie, d’accident ?
Caroline : oui, mais c’est dérisoire. Il est essentiel d’anti-ciper en souscrivant des assurances supplémentaires. Deux femmes qui reprennent une exploitation : est-ce compliqué ? Comment réagissent vos collègues ?
Éléonore : beaucoup pensent qu’on élève principalement les chevaux et qu’on s’occupe des cultures parce qu’elles sont là et qu’il faut bien le faire.
Caroline : de plus, on doit se débrouiller avec des machines lourdes et peu pratiques. Soit ça prend plus de temps, soit il faut utiliser des techniques. Mais il y a aussi de plus en plus d’outils pour se faciliter la vie.
Comment souhaitez-vous faire évoluer vos écuries ?
Caroline : je veux mettre en place des écuries actives. Les chevaux ont un abri, un espace pour manger, un espace pour boire. L’objectif est de les forcer à marcher pour aller d’un espace à l’autre, de façon autonome : « food, friends and freedom ».
Éléonore, un avenir passionnant
Vous vous occupez de la partie polyculture et élevage. Combien d’hectares cultivez-vous ? Comment les cultures sont-elles réparties ?
Éléonore : nous avions 120 hectares, mais on en a cédé une petite quinzaine à Caroline.
On nourrit les vaches avec du maïs et des betteraves fourragères cultivées par nos soins. On vend du blé et des betteraves pour lesquelles on a d’ailleurs gagné un prix. La culture de ces dernières permet une rotation.
La seule chose qu’on ne peut pas produire, ce sont les tourteaux de soja. Ils servent de complément alimentaire. Et je me fais aussi livrer 300 tonnes de pulpes surpressées.
Utilisez-vous des prairies anciennes ou nouvelles ?
Éléonore : il y a environ 5 à 7 hectares sur lesquels on sort les vaches environ deux heures par jour. Le reste leur est inaccessible, donc on fait du foin. On met en cipan de manière à faire de l’enrubanné pour les vaches sur des prairies temporaires. Les anciennes pâtures sont toutes valorisées.
Et concernant la gestion de l’eau ?
Éléonore : on a un système de forage qui mène aux nappes phréatiques et qui permet d’abreuver tous les chevaux, les vaches, sachant que, même si c’est sec, on n’irrigue pas.
Vous utilisez des engrais ?
Éléonore : oui, dans les blés, le maïs et les pâtures. Nos animaux produisent une quantité importante de fumier, ce qui nous permet d’en épandre beaucoup sur nos terres.
Qu’utilisez-vous comme matériel au quotidien ?
Éléonore : tracteurs, bol mélangeur, pailleuse entre autres. J’utilise énormément le télescopique pour tous les travaux du quotidien. Pour les travaux plus saisonniers, on travaille avec la CUMA du secteur.
Le lait, vous le vendez à Danone, c’est bien ça ?
Éléonore : oui, cela nous permet de bénéficier d’un revenu fixe. On en vend aussi à une association de producteurs de Danone qui se sont regroupés pour avoir une diversification de revenus.
Combien avez-vous de vaches ?
Éléonore : 180, dont 85 environ donnent du lait. Synel, une application, nous donne toutes les informations sur chaque bovin. C’est une aide quotidienne réelle. Cela vous arrive-t-il de tous vous absenter en même temps ?
Éléonore : oui, une fois par an pour 24 ou 48 heures, histoire de se réunir en famille, quand on sait qu’on a des gens de confiance capables de nous remplacer. Heureusement, on a un apprenti et une salariée qui sont vraiment très bien. Je leur fais totalement confiance.
Vous souhaitez arrêter la production laitière. Pourquoi ?
Éléonore : oui. C’est une activité prenante, contraignante. J’apprécie d’avoir ma vie à l’extérieur, des loisirs, des week-ends. Je me renseigne pour le moment sur l’éventualité de mettre en place un atelier viande pour remplacer l’activité laitière. Mais tout est un peu flou, j’y réfléchis encore.
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