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Science et technique agricole

07/11/2024

Agriculture de précision : mesurer pour mieux cultiver

Gilbert Grenier, expert en agriculture de précision, nous partage sa vision du sujet. 

Régulièrement définie par « la bonne dose, au bon moment, et au bon endroit », l’agriculture de précision émerge aux USA au début des années 90, bien que ses prémices remontent à 1930. Elle naît suite au besoin de mieux gérer les intrants, et à la prise en considération de la variabilité intra-parcellaire. Elle devient possible grâce à certaines avancées technologiques telles que les GPS, les SIG, ou encore les capteurs. 

Analyser finement le terrain, ses données et les rendements pour avoir une base fiable 

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi des traitements similaires pouvaient donner des résultats différents ? 

Les variations de rendements et de produits bruts sont considérables. Ils excèdent souvent au sein d’une même parcelle, ce que l’on observe entre différentes exploitations. Ce n’est pas tant la technique qui est en question, mais la caractérisation du sol. Sur une même étendue, la concentration en potasse et en azote peut varier considérablement, mais un agriculteur aura tendance à épandre l’engrais uniformément. Ce qui conduit à des résultats hétérogènes, soulignant ainsi l’intérêt de moduler les apports. L’agriculture de précision prend ici tout son sens. 

Prenons un exemple : lors de l’analyse du pH du sol, il apparaît que certaines zones sont plus acides que d’autres. Il est recommandé d’ajouter de la chaux dans les zones acides, mais pas dans celles moins acides. Idéalement, l’ajout de chaux devrait être ajusté selon l’acidité spécifique de chaque zone au sein de la parcelle. Si nous suivons les principes de l’agronomie classique, une modulation s’impose, toutefois basée sur des informations précises collectées en amont. 

L’agriculture de précision est d’abord une démarche d’acquisition d’informations et d’application. C’est une agriculture de la connaissance, où l’on se questionne, où l’on identifie des problématiques et où l’on recherche des informations pour décider où et comment investir efficacement. 

Agroécologie et agriculture de précision ne s’opposent pas 

Il existe une idée répandue selon laquelle l’agroécologie et l’agriculture de précision sont en opposition, certains acteurs du secteur percevant cette dernière comme un intensif extrême axé sur la productivité. Toutefois, l’agriculture l’agriculture de précision incarne en réalité une approche de sobriété : elle vise à optimiser l’utilisation des semoirs, des intrants, de l’apport en eau sans excès. 

D’ailleurs, pour parler d’agriculture de précision, Gilbert Grenier préfère le terme « d’agriculture mesurée », peut-être perçu comme moins connoté. Cette démarche a pour objectif une gestion optimale, basée sur une information fiable et détaillée, essentielle pour équilibrer avec précision les besoins de chaque parcelle. 

En agroécologie, il est recommandé d’observer minutieusement chaque parcelle. Les parcourir manuellement, les observer en tout temps et sous tous les angles est mission impossible. L’utilisation de capteurs et de données extérieures offre alors plusieurs avantages : 

  • Un gain de temps significatif, 
  • Une précision accrue, 
  • Une information dans le temps, enrichie des conditions d’exploitation et météo, 
  • Et une vision globale et détaillée des données collectées. 

Prenons l’exemple de la surveillance nocturne des limaces : un capteur fournit des informations en continu, jour et nuit, offrant ainsi une perspective dynamique et pertinente. 

En somme, l’agriculture de précision repose sur l’acquisition de volumes importants d’informations pertinentes et sectorisées, aidant à des prises de décision éclairées. La technologie joue le rôle d’assistant dans cette démarche, et la mesure constante permet d’adapter les pratiques aux variations observées au fil du temps. 

D’après M. Grenier, c’est peut-être une remise en cause des dogmes agronomiques, mais c’est par là qu’il faudra sans doute passer. 

Exploitation : comment la met-on en place ? 

L’agriculture mesurée se déploie en trois phases essentielles : 

1. Collecte de données : c’est l’étape initiale où l’on recueille des informations sur les sols pour comprendre l’état actuel de l’exploitation. 

2. Analyse des données et prise de décisions : après la collecte, ces données sont analysées pour prendre des décisions agronomiques. 

3. Modulation des actions : en fonction de l’analyse, les interventions sont ajustées pour maximiser l’efficacité. 

La modulation et ses outils dans l’agriculture de précision

Schéma illustrant la modulation et les outils utilisés en agriculture de précision


La démarche commence par une observation attentive de ce qui se passe dans les champs, incluant des données sur les sols et tout autre facteur influençant la variabilité comme la biomasse, les infestations ou les dégâts causés par la faune. 

Et maintenant ? 

Les agriculteurs ont besoin de conseils, d’accompagnement. Leur niveau de compétences et de connaissances du secteur ayant augmenté, il est capital qu’ils puissent compter sur des experts. 

Gilbert Grenier conclut par sa volonté ferme de donner une formation agronomique et numérique aux ingénieurs de la chaire agricole. 

« Il faut que les niveaux d’expertise de nos étudiants en France montent. » 

Gilbert GRENIER, un parcours exemplaire