Parcours
Passion
20/02/2025
BERNARD HINAULT
UN PARCOURS MARQUÉ PAR LA DÉTERMINATION
D’emblée, l’homme impressionne. Son franc-parler, son tempérament et son immense carrière sportive méritent le plus grand respect. Mais Bernard Hinault est aussi un homme passionné, engagé et qui accepte de donner de son temps. Pour ce nouveau numéro, il nous a consacré un moment.
FF : Merci de nous accorder un peu de temps pour réaliser cet article.
Nous avons pu voir cet été que vous aviez été porteur de la flamme olympique dans les Pyrénées, vous avez particulièrement suivi ces jeux. Qu’est-ce qui vous a marqué sur cette édition ?
Bernard Hinault : C’est tout, tout en même temps, la beauté des endroits où la flamme a été portée, la beauté aussi des événements à Paris. Le nombre de médailles, c’est impressionnant parce qu’on n’en a jamais obtenu autant. Et puis, de tous ceux que j’ai pu voir, ce sont les plus beaux, tout simplement, parce qu’on a utilisé les monuments historiques que l’on a, et ça, c’est grandiose.
FF : Vous avez baigné dans l’agriculture par tradition familiale ?
Bernard Hinault : Non, pas vraiment par tradition familiale. Mes grands-parents étaient des paysans, mes oncles étaient des paysans, mais mon père travaillait à la SNCF et ma mère, elle, avait 3 hectares de jardin.
FF : Est-ce que ce contact avec la campagne a contribué à faire de vous un champion cycliste ?
Bernard Hinault : Je ne sais pas. Toujours est-il que quand j’allais à l’école, je prenais mon vélo, et c’était la course avec tous mes copains. C’est peut-être ça qui a joué. Quand on est agriculteur, il faut se battre tous les jours, eh bien c’est peut-être cela.

FF : La passion pour le cyclisme, elle vous est venue comment ?
Bernard Hinault : J’ai d’abord fait de la course à pied pendant quatre ans avant de me tourner vers le vélo. Mais j’étais attiré par le vélo, j’ai pris une licence, et ça a tout de suite marché parce que j’ai gagné mes premières courses. Ensuite, j’étais cadet, puis junior, et j’ai gagné le Championnat de France junior. En 1975, j’ai fait mon service militaire : un an de vacances sans vélo. Quand je suis revenu, j’ai signé un contrat professionnel.
FF : Vous avez eu une carrière exceptionnelle. Pensez-vous que votre tempérament a contribué à votre réussite ?
Bernard Hinault : Mon tempérament a joué, mais j’avais surtout des aptitudes physiques hors normes, je ne suis pas fait comme tout le monde. Il faut les deux : quand on a ça, la volonté de gagner, et qu’on travaille dur pour être le meilleur, eh bien on y arrive.

Du vélo à l’agriculture
FF : Qu’est-ce qui vous a poussé, après votre carrière, à aller vers l’agriculture ?
Bernard Hinault : En fait, c’est parce que l’élevage, c’est vivant. Et après avoir passé ma carrière, dehors en tant que coureur, je voulais continuer à être en contact avec la nature. La nature est tellement belle, alors pourquoi pas ? J’avais un cousin qui était technicien supérieur en agriculture. Étant novice à l’époque, j’ai beaucoup appris avec lui.
FF : On entend souvent, dans nos rencontres pour le Farm Forum, des histoires de gens qui ont repris des exploitations et qui nous disent n’être partis quasiment de rien.
Bernard Hinault : Oui, quand on nous dit que pour travailler, il faut un paquet de diplômes, je trouve cela idiot. Un peu de volonté et un peu de savoir suffisent. On peut apprendre énormément de ses voisins, des contacts qu’on peut avoir. Moi j’ai beaucoup appris avec les autres. Si vos voisins connaissent les terres et savent quand les travailler, alors pourquoi ne pas apprendre avec eux ?
FF : Avez-vous aussi rencontré des défis dans cette activité pendant 20 ans ?
Bernard Hinault : Oui, il y a des succès et des difficultés. Quand on fait de l’élevage, que vous avez de beaux animaux qui viennent vers vous plutôt que de partir en courant, ce sont de bons moments et c’est génial !
Mais, c’est vrai que l’élevage, c’est aussi beaucoup de contraintes. Il faut du courage, de la présence, être là pour les vêlages. L’élevage, c’est une passion, on ne peut pas faire cela tous les matins à reculons.
FF : Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut se lancer dans l’agriculture ou l’élevage ?
Bernard Hinault : Si tu en as les moyens, vas-y, fonce, ne te pose pas de questions. La vie, c’est une compétition. Il faut être prêt à se battre tous les jours.
FF : Vous avez entrepris beaucoup de projets dans votre carrière. Qu’est-ce qui vous a guidé dans ces projets ?
Bernard Hinault : J’ai fait des choses que je ne connaissais pas du tout, mais j’ai toujours appris des autres. On a repris des entreprises, il y avait dedans des gens qui étaient compétents, eh bien on s’est appuyé sur eux. C’est très important de ne pas rester seul. Poser des questions, apprendre des anciens, c’est ça qui permet de réussir dans un univers qui n’est pas le sien. Il faut savoir être humble.
FF : Vous êtes très engagé dans le sport. Quels conseils donneriez-vous aux agriculteurs pour préserver leur santé ?
Bernard Hinault : Il faut faire des exercices régulièrement et ne pas hésiter à consulter un médecin en cas de doute. Il ne faut pas avoir peur. On voit certains agriculteurs seuls, qui ne consultent pas. Le danger dans tout ça, c’est que, quand vous êtes agriculteur, vous voulez y aller, même si vous avez mal, vous savez que vous avez du travail à faire et vous pensez que vous êtes un dur à cuire. Dans un coup dur comme cela, on peut faire appel à un voisin ou même à une association. Il y a des gens pour ça, ils peuvent vous aider physiquement. Même si ça coûte un peu, il vaut mieux préserver sa santé.
FF : Merci beaucoup, Monsieur Hinault, pour cet échange.
HINAULT 1975-1986
Jean Cléder nous offre un recueil sur l’extraordinaire carrière de Bernard Hinault avec sa participation. C’est le moment de se faire plaisir et de se replonger dans cette folle aventure. (28 €, Mareuil Éditions, 2024).
Bernard Hinault est le plus grand champion de l’histoire du cyclisme « juste après Eddy Merckx », ajoute-t-il modestement. Il est aussi le dernier vainqueur français du Tour de France. Mais Bernard Hinault est surtout un style et un tempérament : une façon de faire et de dire qui donne un sens à son action. Un personnage qui a marqué son époque, comme les grands personnages de fiction.
