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05/03/2025

Et si le revenu agricole n’était pas qu’une question de prix ?

Entretien avec P. Goetzmann

Philippe Goetzmann est consultant en grande consommation et agro-alimentaire. 

Après une carrière dans la grande distribution, il fonde une agence pour la transformation de la grande consommation.

Un problème de compétitivité revenu agricole

Le revenu agricole n’est plus suffisant et les pouvoirs politiques veulent régler ce problème par l’encadrement des prix. Mais selon Philippe Goetzmann, la solution viendra d’une réflexion sur les coûts de production. 

Janvier 2024, la coupe est pleine. Les agriculteurs français descendent dans la rue et bloquent les autoroutes. Le mouvement prend rapidement une ampleur nationale et historique. Et pour cause, les agriculteurs ne vivent plus, ou pas assez, de leur travail. Pourtant, l’agriculture française est l’une des plus qualitative et vertueuse au monde. Pour répondre à ce problème, Emmanuel Macron, le président de la République, évoque la mise en place de prix plancher lors de sa visite mouvementée au Salon de l’Agriculture de la Porte de Versailles. Plus généralement, les pouvoirs publics tentent de régler ce problème depuis plusieurs années en encadrant les prix de vente des produits agricoles, notamment via les différentes lois Egalim. Et force est de constater que l’efficacité de ces mesures est très limitée. 

Bien définir la cause revenu agricole

On peut alors se demander si le prix de vente est réellement la cause de la crise et du mal-être des agriculteurs. « Non », explique Philippe Goetzmann, spécialiste du secteur de l’agroalimentaire et fondateur d’un cabinet de conseil qui accompagne les grandes enseignes sur leurs choix stratégiques. 

« Les agriculteurs, comme tous les chefs d’entreprise, ne recherchent pas d’abord un prix, mais un revenu. Et un revenu, c’est un prix multiplié par un volume, moins des charges » rappelle-t-il. À force de se focaliser sur le prix, on passe à côté de la réflexion sur les coûts de production. 

« Si le problème agricole se situait au niveau des prix de vente trop faibles, on aurait un problème sur le marché intérieur mais pas à l’exportation », explique-t-il. Or, la France perd des parts de marché à l’export. Cela signifie que c’est un problème de compétitivité et de coût de production. Philippe Goetzmann fait remarquer que produire en France est souvent moins rentable que dans d’autres pays, comme l’Allemagne ou l’Espagne : « Selon Eurostat, le coût de l’alimentation est sensiblement plus élevé en France que chez nos voisins directs ». Et c’est sans parler des coûts de production des produits de grandes cultures des géants agricoles comme le Brésil ou l’Ukraine qui ont de plus en plus accès à notre marché. Par ailleurs, il explique que la rentabilité de chacun des maillons de l’agroalimentaire en France est plus basse que celle de nos voisins européens, notamment celle de la grande distribution. 

Un agriculteur en tenue de travail, debout devant un tracteur dans un champ, en train de lire des documents.

Les normes et les impôts 

Le problème réside donc bien dans un manque de compétitivité, lui-même entraîné par le poids fiscal, social et normatif qui reposent sur les agriculteurs français : « Les normes coûtent une fortune, notamment quand la France va plus loin que le droit européen » affirme-t-il. Ce phénomène est particulièrement visible quand on analyse les moyens de production, comme la semence ou les produits phytosanitaires, qui sont interdits aux agriculteurs français mais permis aux agriculteurs étrangers qui exportent leurs productions en France. Par ailleurs, notre fiscalité renchérit le coût de l’alimentation qu’un certain nombre de nos concitoyens ne peuvent plus payer. 

Philippe Goetzmann s’oppose donc aux lois Egalim et à l’idée de prix plancher évoqué par le président de la République au dernier Salon de l’Agriculture : « À partir du moment où nous appartenons à un marché commun avec une monnaie unique, des frontières ouvertes et une politique agricole commune, ces lois ne pouvaient qu’échouer ». Elles ne pourraient marcher qu’en refermant nos frontières et en sortant de la PAC, estime-t-il. Pourquoi la réflexion politique n’est-elle polarisée que par les prix ? « Les pouvoirs publics ont intérêt à dériver des charges vers le prix car cela leur permet de s’exonérer de leur propre turpitude, affirme-t-il. Cela leur permet de renvoyer les balles sur les acteurs privés ». 

Que faire alors ? 

Pour augmenter le revenu agricole, Philippe Goetzmann recommande par conséquent un abaissement des coûts de production, notamment de la fiscalité du coût du travail et des normes de production. Les industriels et les distributeurs ne sont donc pas du tout en cause ? Si, bien sûr. Mais le consultant prône la concurrence plutôt que l’encadrement et la transparence. La question est dès lors : comment la favoriser entre les industriels et entre les distributeurs ? Comment combattre les situations oligopolistiques qui existent çà et là dans l’agro-alimentaire ? » Cela serait plus utile pour les agriculteurs. revenu agricole

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